Les Liaisons dangereuses : en quelle année se déroule l’histoire ?



extraits de quelques dates du roman


Réponse :
Dans le roman Les Liaisons dangereuses, l’histoire se déroule en 1773.
C'est ce que nous allons démontrer…


Sommaire


          1) Présentation de l’énigme
          2) Étapes
              2.1) Cadrage des années d'après les références culturelles
              2.2) Recherche calendaire
              2.3) Recherche historique des pièces de théâtre
          3) Conclusion
          4) Remerciements et sources

          Annexes :
          A1) Références culturelles dans le roman
          A2) Reconstitution de la duperie montée contre Prévan
          A3) Références calendaires
          A4) Algorithme de recherche
          A5) Pièces jouées au théâtre de la Comédie-Française
          A6) Évolution de l'usage des mots “roué” et “rouerie”

1) Présentation de l’énigme

Les Liaisons dangereuses de Pierre Choderlos de Laclos est un roman épistolaire publié en 1782. Il contient 175 lettres.

Le réalisme du roman est fort. Le livre commence par un « Avertissement de l'éditeur » dans lequel on laisse croire au lecteur que les lettres pourraient être réelles. Il s'ensuit une « Préface du rédacteur » qui, en fausse innocence, prétend que les lettres sont tout à fait authentiques. 

Chaque lettre du roman est terminée par sa date de rédaction mais les deux derniers chiffres de l'année sont systématiquement omis. Les lettres vont du « 3 août 17… » au « 14 janvier 17… » en couvrant tous les mois intermédiaires.

Puisque l'entièreté du roman cultive l'aspect de la vraisemblance, cela nous amène à résoudre l'énigme laissée entière par l'auteur : en quelle année se déroule cette histoire ?

C'est cette énigme littéraire que nous allons résoudre dans cette étude.

2) Étapes


    2.1) Cadrage des années d'après les références culturelles


Les Liaisons dangereuses de Pierre Choderlos de Laclos contient beaucoup de références littéraires, et bon nombre sont de son siècle.

D’après l'Annexe A1, qui liste une quinzaine de ces références, la plus récente date de 1762 et deux autres sont de 1761. En considérant que les œuvres auxquelles l’histoire fait référence lui sont forcément antérieures, on peut en conclure que le roman se déroule en ou après 1761.

Le roman étant publié en 1782, on peut donc préciser que l'histoire se déroule forcément entre 1761 et 1782.

On aurait pu être plus fin en examinant les mois des œuvres mais nous verrons par la suite que cela n'est pas nécessaire.

    2.2) Recherche calendaire


Les Liaisons dangereuses de Pierre Choderlos de Laclos contient quelques lettres pour lesquelles on peut déterminer quel est le jour de semaine associé à la date.

L'Annexe A3, qui liste les jours donnés explicitement dans le roman, nous permet d’avoir deux dates :
  • Le 28 octobre est un jeudi.
  • Le 16 décembre est un jeudi.
L'Annexe A2, qui reconstitue la semaine où la Marquise de Merteuil échafaude la duperie contre l’officier Prévan, permet d’établir des indices sur une autre date  :
  • Le 26 septembre est un samedi, un dimanche ou un lundi.
En fait nous savons que le 26 septembre ne peut pas être un samedi, mais nous verrons par la suite que ce n'est pas la peine d'écarter cette hypothèse.

À l’aide d’un programme informatique, il est facile de mettre en place un algorithme de recherche calendaire qui va boucler sur toutes les années comprises entre 1761 et 1782 (voir cadrage des années dans la chapitre précédent) et pour lesquelles les trois conditions de jours de semaine ci-dessus sont respectées.

L’Annexe A4 fournit un exemple de code que l’on peut exécuter depuis n’importe quel navigateur Web traditionnel. Le résultat donne seulement trois années possibles :
  • 1762
  • 1773
  • 1779
De plus, pour ces trois solutions possibles, le 26 septembre est toujours un dimanche. Nous pouvons donc en conclure que la soirée au théâtre de la Comédie-Française qui se déroule le lundi d'avant est un lundi 20 septembre.

    2.3) Recherche historique des pièces de théâtre


À ce stade, nous savons que la pièce de théâtre jouée à la Comédie-Française à laquelle se rend la Marquise de Merteuil avec Prévan et la Maréchale se déroule un lundi 20 septembre et que les années possibles sont 1762, 1773 et 1779.

Mais les lettres de la Marquise de Merteuil nous donnent quelques informations supplémentaires sur cette pièce de théâtre :

Lettre LXXXV (=85)

« Au dessert, on parla d'une pièce nouvelle qu'on devait donner le lundi suivant aux Français. »
[…] je ne puis rien vous dire du spectacle, sinon que Prévan a un talent merveilleux pour la cajolerie, & que la pièce est tombée »

« la pièce est tombée » veut dire qu'elle est tombée à plat, c'est-à-dire qu’elle n'a pas eu de succès.
On y apprend donc que la pièce est nouvelle et accessoirement qu'elle n'a pas eu de succès ce soir là.

L'aspect nouveau de la pièce est confirmé par une autre lettre de la Marquise de Merteuil :
Lettre LXXXVII (=87)

« À table, une nouveauté dont on parla lui donna l'occasion d'offrir sa loge à la Maréchale, qui l'accepta ; & il fut convenu que j'y aurais une place. C'était pour lundi dernier, aux Français. »


L'Annexe A5 récapitule les informations des pièces au théâtre de la Comédie-Française pour les trois dates possibles qu’il nous reste. Nous pouvons en déduire que :
  • Le 20/09/1762, les deux pièces jouées ont au moins 15 ans.
  • Le 20/09/1773, les deux pièces jouées ont à peine 2 mois.
  • Le 20/09/1779, les deux pièces jouées ont au moins 8 ans.
Nous pouvons en conclure que la seule de ces dates qui présente une nouvelle pièce est le 20/09/1773.

Notons aussi qu'à cette date, la pièce Régulus est jouée pour la quatorzième et dernière fois. Ce qui correspond bien à un insuccès comme le décrit la Marquise de Merteuil.

3) Conclusion

Nous sommes donc arrivés à la conclusion que la seule année possible pour le déroulement de l'histoire est 1773.

Ce faisant, nous avons aussi montré que la pièce de théâtre de la Comédie-Française à laquelle se rend la Marquise de Merteuil avec Prévan et la Maréchale se déroule le lundi 20 septembre de cette année 1773.

De plus, au lieu de rencontrer quelques points qui auraient pu affaiblir cette thèse, nous avons découvert deux détails complémentaires qui la renforcent :
  • La pièce Régulus, tragédie en 3 actes de Claude-Joseph Dorat jouée ce soir là, semble clairement ne pas avoir eu de succès. Ce qui corrobore la remarque de la Marquise de Merteuil.
  • L’année 1773 peut correspondre à l’évolution du terme rouerie et roué précisé par l’auteur en note de bas de page et étudiée dans notre Annexe A6.

Merci à Pierre Choderlos de Laclos pour nous avoir donné une œuvre de si grande qualité, aussi riche en références littéraires, et qui contient, volontairement ou par chance, des détails enfouis qui tombent aussi bien.

Aussi nous avait-il prévenus dans sa Préface du rédacteur :
« Plusieurs personnes pourront compter encore pour quelque chose un assez grand nombre d'observations, ou nouvelles, ou peu connues, & qui se trouvent éparses dans ces lettres. »


Skrol29      ( adresse courriel )
Vincent Billard
Le 27 avril 2020



4) Remerciements et sources


📖 Merci au très précieux Projet des registres de la Comédie-Française pour leur archives en ligne sur les pièces de ce théâtre.

Site Internet : https://www.cfregisters.org/fr/
Voir l'Annexe A5 pour plus de détails.

📖 Merci à Wikisource pour le texte complet du roman Les Liaisons dangereuses.

Page Internet : https://fr.wikisource.org/wiki/Les_Liaisons_dangereuses/Texte_complet

📖 Merci à Google Livres pour les textes des pièces de théâtre d'époque et autres ouvrages sur le sujet.

Site Internet : https://books.google.fr/

La numérisation de ce qui semble être la première édition du roman peut être trouvée ici :
    https://books.google.fr/books?id=CH8OAAAAQAAJ&pg=PA3#v=onepage
    https://books.google.fr/books?id=5o0NAAAAQAAJ&pg=PP9#v=onepage
    https://books.google.fr/books?id=dKpRAAAAcAAJ&pg=PA3#v=onepage
    https://books.google.fr/books?id=bK5RAAAAcAAJ&pg=PA3#v=onepage
(NB : j'ai vérifié : il y a bien une majuscule à « Liaisons » dans le titre original)



Annexe A1 - Références culturelles dans le roman


Voici la liste des références culturelles trouvées dans le roman les Liaisons Dangereuses.
Nous avons marqué en gras les dates qui peuvent être utiles à borner le roman dans le temps.

C’est le résultat d’une recherche dans toutes les notes de bas de page de l'auteur, ainsi qu'une recherche intégrale dans le texte de tous les noms commençant par une majuscule hors noms de personnages, noms géographiques ou graphies usuelles.

1) Lettre II (=2)
« ce sera enfin une rouerie »
Une note de bas de page de l'auteur indique :
« Ces mots roué & rouerie, dont heureusement la bonne compagnie commence à se défaire, était fort en usage à l'époque où ces Lettres ont été écrites »

L'évolution de l’usage de ces termes a tout de même été étudiée en Annexe 4, mais elle n'apporte rien de probant. On verra tout de même en conclusion qu'elle consolide la solution trouvée.

2) Lettre IV (=4)
« Heureusement il faut être quatre pour jouer au whist »
Le whist est un jeu de carte dont la pratique est apparue en Angleterre en 1742. La mode du whist en France débute en 1764. Mais il est difficile de définir une année exacte d'apparition en France.
Source : https://journals.openedition.org/1718/688

3) Lettre X (=10)
« je lis un chapitre du Sopha, une lettre d'Héloïse & deux contes de La Fontaine »
Ce passage fait référence au œuvres suivantes :
  • Le Sopha, conte moral est un conte de Crébillon fils, rédigé en 1737, publiée officiellement en 1742.
  • Lettres d'Abélard et d'Héloïse, textes du 12° siècle traduits à multiples reprises.
  • La Fontaine a écrit ses fables entre 1668 et 1694.

4) Lettre XXXIII (=33)
« C'est le défaut des romans ; […] Héloïse est le seul qu'on en puisse excepter »
Ce passage fait référence à Julie ou la Nouvelle Héloïse, roman épistolaire de Jean-Jacques Rousseau paru en 1761.

5) Lettre XLIV (=44)
«  je conservai un sang-froid qui eût fait honneur à la continence de Scipion »
La Continence de Scipion est un tableau de François Lemoyne peint en 1726.

6) Lettre XLVII (=47)
«  j'ai décidé Émilie à aller aux Italiens… »
L’expression « aux Italiens » pour désigner le Théâtre-Italien de Paris semble déjà exister au siècle qui précède le roman.


7) Lettre LI (=51)
« le jeune homme est si Céladon »
Être un Céladon est une expression pour désigner un amant délicat et langoureux. Elle fait référence au personnage du roman de l'Astrée publié la première fois en 1607, par Honoré d'Urfé.

8) Lettre LVII (=57)
« je ne veux pas en faire un billet de La Châtre »
Il s'agit d'une expression pour désigner une garantie illusoire. Elle fait référence à Ninon de Lenclos qui vécut au 17° siècle. Cette expression semble commune au siècle qui précède le roman.

9) Lettre LXIII (=63)
« Tel on nous raconte que le Maréchal de Saxe, après avoir fait les dispositions d'une bataille pour le lendemain, s'endormit d'un sommeil tranquille. »
Il s'agit de Maurice de Saxe qui fut Maréchal et rédigea un ouvrage sur la guerre intitulé Mes Rêveries publié à titre posthume en 1757.

10) Lettre LXXXV (=85)
« Je puis bien dire comme Annette : mais voilà tout, pourtant ! »
Il s'agit d'une tirade de l'opéra-comique Annette et Lubin de Justine Favart, sortie en février

1762, et qui est l'adaptation d'un conte moral du même nom écrit par Jean-François Marmontel et publié en 1761.

11) Lettre LXXXV (=85)
« Au dessert, on parla d'une pièce nouvelle qu'on devait donner le lundi suivant aux Français. Je témoignai quelques regrets de n'avoir pas ma loge »
Les Français est le surnom pour désigner Le théâtre de la Comédie-Française.

D'après l'étude La Comédie Française au 18e siècle: Étude économique de Claude Alasseur, les locations de loge ont commencé en 1757. Mais cette interprétation n'est pas sûre.

Page 24: https://books.google.fr/books?id=Ux6bDwAAQBAJ&lpg=PA71&hl=fr&pg=PA71#v=onepage 

12) Lettre LXXXV (=85)
« Ce fut exactement le Zaïre, […] tout l'amour d'Orosmane »
Orosmane est un personnage de la pièce Zaïre écrite par Voltaire en 1732.

13) Lettre XCIX (=99)
« Je suis juste & ne suis point galant »
Une note de bas de page de l'auteur indique qu'il s'agit d'une citation de Nanine de Voltaire, œuvre publiée en juin 1749.

14) Lettre CIV (=104)
« Nous ne sommes plus au temps de Mme de Sévigné. »
Madame de Sévigné est l'auteure de lettres d'une grande qualité littéraire, elle mourut en 1696 et ses lettres furent publiées la première fois en 1725, c'était à titre posthume.

15) Lettre CX (=110)
« Puissances du ciel, j'avais une âme pour la douleur ; donnez-m'en une pour la félicité. C'est, je crois, le tendre saint Preux qui s'exprime ainsi. »

16) Lettre CXLVI (=146)
« Je dirai bien comme Socrate : J'aime que mes amis viennent à moi quand ils sont malheureux »
Une note de bas de page de l'auteur indique qu'il s'agit d'une citation de Conte moral d'Alcibiade de Marmontel.

Il s'agit en fait plus précisément de la citation « J'aime bien qu'on vienne à moi dans l'adversité » faite par le personnage de Socrate dans Alcibiade et le Moi. Ce récit fait partie des Contes moraux de Jean-François Marmontel. Il a été publié la toute première fois dans la revue Mercure de France en 1755, puis dans différentes compilations de Comptes moraux de Marmontel par la suite.

Annexe A2 : Reconstitution de la duperie montée contre Prévan


Le récit est raconté deux fois par la Marquise de Merteuil, une version au vicomte de Valmont (Lettre LXXXV = 85) et une version à la Madame de Volanges (Lettre LXXXV = 87).
Dans les deux versions, les informations sur les dates concordent.

a) La version pour le Vicomte de Valmont


Lettre LXXXV (= 85), datée du 25 septembre 17…,
« Au dessert, on parla d'une pièce nouvelle qu'on devait donner le lundi suivant aux Français.
[…] Le lundi suivant, je fus aux Français comme nous en étions convenus. »
La pièce se joue donc un lundi. « Les Français » est le surnom du théâtre de la Comédie-Française.
« […] Je voyais avec peine finir cette soirée, pour la prolonger, j'offris à la maréchale de venir souper chez moi : ce qui me fournit le prétexte de le proposer à l'aimable cajoleur »
Il s'agit de la première visite de Prévan chez la Marquise de Merteuil. C'est donc le lundi soir de la pièce de théâtre.
« […] Je me levai pourtant : mais avant de me séparer d'elle, […] faire savoir que je resterais chez moi le surlendemain.
Je ne doutais pas que Prévan ne profitât de l'espèce de rendez-vous que je venais de lui donner ; qu'il n'y vînt d'assez bonne heure pour me trouver seule. »
La seconde visite de Prévan est donc un mercredi matin.
« […] Prévan me demanda de venir le lendemain matin, & j'y consentis ; […] & ce fut là que je le reçus »
La troisième visite de Prévan est donc un jeudi matin.
« […] Au défaut du jour, nous nous occupâmes de la nuit […] J'aurais un grand souper chez moi ; il y serait, […] La sortie, dont j'oubliais de vous parler, devait se faire par la petite porte du jardin : il ne s'agissait que d'attendre le point du jour. […] Le jour fut fixé au surlendemain. »
Le jour ainsi fixé est donc un samedi. Mais à ce stade on ne sait pas s'il s'agit du rendez-vous pour le souper, ou du rendez-vous secret prévu pour le petit matin qui suit.
La quatrième visite de Prévan pour le souper est donc un vendredi ou un samedi.

Puis la rédactrice de la lettre fait un résumé :
« […] J'invite cette femme à souper, pendant le spectacle […] Il accepte & me fait, deux jours après, une visite que l'usage exige. Il vient à la vérité me voir le lendemain matin. »
Ce résumé du récit confirme le décompte que nous avons fait précédemment.

Poursuivons le déroulé des évènements :
« […] Le jour fatal arrivé, […] Cependant le soir vint. […] on y annonça Prévan.
À minuit, les parties étant finies, je proposai une courte macédoine. […] Le jeu dura plus que je n'avais pensé. […] chacun s'en alla. Pour moi, je sonnai mes femmes, je me déshabillai fort vite, & les renvoyai de même. »
Minuit vient de passer, si la soirée était un vendredi ou un samedi, la suite se passe donc au matin d’un samedi ou d’un dimanche.
« […] Le pauvre Prévan perdit la tête, & croyant voir un guet-apens dans ce qui n'était au fond qu'une plaisanterie, »

À ce stade, nous ne savons pas combien de temps s'est écoulé entre la péripétie de Prévan et l'écriture de cette lettre qui est datée du 25 septembre. Mais la suite va nous le révéler :
« […] j'ordonnai de plus à Victoire d'aller le matin de bonne heure bavarder dans le voisinage.
[…]
Tout a si bien réussi, qu'avant midi […] ma dévote voisine était déjà au chevet de mon lit.
J'ai été obligée de me désoler avec elle, pendant une heure, sur la corruption du siècle.
Un moment après, j'ai reçu de la Maréchale le billet que je joins ici. »
On apprend donc que le même jour de la péripétie de Prévan, la Marquise de Merteuil a reçu un billet de la Maréchale. La date de ce billet est connue car il s’agit de la lettre LXXXVI (=86), elle est datée du même jour que la lettre de la Marquise de Merteuil, c’est-à-dire du 25 septembre.

On peut donc rassembler les informations sur le déroulé du récit, sachant que la pièce de théâtre était un lundi, que la péripétie de Prévan s’est déroulée le matin du samedi ou dimanche qui suit, et que c’était un 25 septembre.


Voici le tableau qui récapitule les informations et les interprétations possibles :



On peut en conclure que le 25 septembre est un samedi ou un dimanche.

Et par conséquent que le lundi de la pièce de théâtre est un 19 ou 20 septembre.

b) La version pour Madame de Volanges


Lettre LXXXVII (=87), datée du 26 septembre 17…

« À table, une nouveauté dont on parla lui donna l'occasion d'offrir sa loge à la Maréchale, qui l'accepta ; & il fut convenu que j'y aurais une place. C'était pour lundi dernier, aux Français. »
L'expression « lundi dernier » indique que la pièce de théâtre était au maximum 8 jours avant la lettre. On peut effectivement dire « lundi dernier » quand on est le lundi qui suit celui qu'on désigne.
« Comme la Maréchale venait souper chez moi au sortir du spectacle, je proposai à ce monsieur de l'y accompagner & il y vint. »
Il s'agit de la première visite de Prévan chez la Marquise de Merteuil. C'est donc le lundi soir de la pièce de théâtre.
« Le surlendemain il me fit une visite qui se passa en propos d'usage, & sans qu'il y eût du tout rien de marqué. »
La seconde visite de Prévan est donc un mercredi.
«  Le lendemain il vint me voir le matin, ce qui me parut bien un peu leste »
La troisième visite de Prévan est donc un jeudi matin.
« Pour cela je lui envoyai, le jour même, une invitation bien sèche & bien cérémonieuse, pour un souper que je donnais avant-hier. »
À ce stade, on ne sait pas quel jour de la semaine est cette quatrième visite pour le souper.
« on fit, après les parties, une macédoine qui nous mena jusqu'à près de deux heures ; & enfin je me mis au lit.
Il y avait au moins une mortelle demi-heure que mes femmes étaient retirées, quand j'entendis du bruit dans mon appartement. »
Il s'agit du moment ou Prévan va se faire attraper.

On peut donc rassembler les informations du début du récit de cette lettre, qui relate les jours après le théâtre, avec les informations de la fin du récit, qui relate les jours avant la lettre.

On a vu qu'au tout début du récit, la soirée au théâtre s'est déroulée « lundi dernier » par rapport à la lettre. Ce qui donne les 3 possibilités illustrées par le tableau suivant :



On peut donc en conclure que le 26 septembre peut être un samedi, un dimanche ou un lundi.

Et par conséquent que le lundi de la pièce de théâtre est un 19, 20 ou 21 septembre.

Annexe A3 - Références calendaires


a) La visite du vicomte de Valmont à la présidente de Tourvel


Lettre CXXIII (= 123), du 25 octobre 17…

«
 elle […] m'a chargé de vous annoncer qu'elle serait chez elle jeudi prochain, 28 »
Confirmé par :
Lettre CXXV (= 125), du 29 octobre 17…

« C'est après ces préparatifs nécessaires, qu'hier jeudi 28, »

On peut en conclure que le 28 octobre est un jeudi.

b) La déchéance de la Marquise de Merteuil

Lettre CLXXIII (= 173), du 18 décembre 17…

« Madame de Merteuil, en arrivant de la campagne, avant-hier jeudi, »

On peut en conclure que le 16 décembre est un jeudi.

Annexe A4 - Algorithme de recherche


Voici un exemple de code Javascript qui liste les années possibles respectant les 3 conditions vues au chapitre  2.2) Recherche calendaire.

Ce code peut être testé dans la console Javascript disponible dans les navigateurs Web traditionnels. La console Javascript s’ouvre la plupart du temps avec la touche F12.

// Boucle de recherche des année qui vérifie les 3 conditions
for (var annee = 1761 ; annee <= 1782 ; annee++) {

    var nb_verif = 0;
  
    // Le 28 octobre est un jeudi.
    var d = new Date(annee + '-10-28T00:00:00.000Z');
    if (d.toLocaleDateString('fr-FR', {weekday: 'long'}) == 'jeudi') {
        nb_verif++;
    }

    // Le 16 décembre est un jeudi.
    var d = new Date(annee + '-12-16T00:00:00.000Z');
    if (d.toLocaleDateString('fr-FR', {weekday: 'long'}) == 'jeudi') {
        nb_verif++;
    }

    // Le 26 septembre est un samedi, dimanche ou lundi.
    var d = new Date(annee + '-09-26T00:00:00.000Z');
    var js = d.toLocaleDateString('fr-FR', {weekday: 'long'});
    if ( (js == 'samedi') || (js == 'dimanche') || (js == 'lundi') ) {
        nb_verif++;
    }

    if (nb_verif >= 3) {
        console.log("L’année " + annee + " vérifie les 3 conditions."
         + " Le 26 septembre est un " + js + ".");
    }

}

Résultat obtenu :

L’année 1762 vérifie les 3 conditions. Le 26 septembre est un dimanche.
L’année 1773 vérifie les 3 conditions. Le 26 septembre est un dimanche.
L’année 1779 vérifie les 3 conditions. Le 26 septembre est un dimanche.

Annexe A5 - Pièces jouées au théâtre de la Comédie-Française


Grâce au Projet des registres de la Comédie-Française, mis en ligne depuis 2015, qui fait partie d'un programme de recherche, et qui est financé par 12 institutions, nous pouvons reconstituer les informations sur les pièces jouées aux 3 dates qui nous intéressent :

Date Pièce Auteur Première Représentation
20/09/1762 La Gouvernante La Chaussée (Pierre-Claude) 18/01/1747  25° sur 144
Crispin médecin Hauteroche (Noël Lebreton, sieur de) 12/12/1680 570° sur 735
20/09/1773 Régulus Dorat (Claude-Joseph) 31/07/1773 14° sur 14
La feinte par amour  Dorat (Claude-Joseph) 31/07/1773 14° sur 82
20/09/1779 Gaston et Bayard Belloy (Pierre Laurent de) 24/04/1771 34° sur 81
Attendez-moi sous l'orme Du Fresny (Charles) 19/05/1694  347° sur 353


Sources


Site du Projet des registres de la Comédie-Française :
      https://www.cfregisters.org/fr/

Pour trouver les pièces jouées à une date donnée :
      https://www.cfregisters.org/fr/registres/registres-des-recettes

ou directement :
Pour trouver le numéro de représentation de la pièce, nous avons utilisé :
  • soit l'indication du registre des recettes, quand l'information est indiquée
  • soit la base complète des représentations à l'aide de l'interface de programmation (API)indiquée ici : https://www.cfregisters.org/fr/nos-donn%C3%A9es/http-api

 Copies numériques




Copie numérique de la recette journalière du 20/09/1762 au théâtre de la Comédie-Française
Recette journalière du 20/09/1762 au théâtre de la Comédie-Française
Copie numérique de la recette journalière du 20/09/1773 au théâtre de la Comédie-Française
Recette journalière du 20/09/1773 au théâtre de la Comédie-Française
Copie numérique de la recette journalière du 20/09/1779 au théâtre de la Comédie-Française
Recette journalière du 20/09/1779 au théâtre de la Comédie-Française

Complément hors sujet :

La fiche d'information des acteurs (Registre des feux) en date du 20/09/1773 donne une information historique qui ne sert pas pour notre étude :

« Spectacle honoré par la présence de Mr le Dauphin et Mme la Dauphine, Mr le Comte et Mme La Comtesse de Provence qui sont venus incognito dans la première des secondes loges côté de la Reine, en sortant de voir le Sallon des Peinture et Sculptures.
On avait mis sur l'affiche, par ordre du Duc de Fronsac : Spectacle demandé par des personnes de la première distinction. » 

Copie numérique du Feu des acteurs du 20/09/1773 au théâtre de la Comédie française
Feux des acteurs du 20/09/1779 au théâtre de la Comédie-Française


Annexe A6 - Évolution de l'usage des mots “roué” et “rouerie”


Voici une recherche sur les termes roué et roueries, utilisés dans les livres français entre 1755 et 1782.

La plage des années a été choisie d’après  le résultat de la Recherche calendaire du chapitre 2.2. Les trois dates possibles (1762, 1773, 1779) ont été reportées sur le graphique.

Il est en fait très délicat de se baser sur cette recherche Google Livres pour estimer l'usage d'un terme à une époque. On ne peut donc rien en déduire de concluant.

On peut tout de même constater que pour l’année 1773 on sort d’un pic d’usage du mot roué, et tout juste de petits plateaux du mot rouerie.




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